Pour ce premier numéro de l’année, nous sommes sur une position de tremplin : regard tourné vers ceux qui ont fait 2018 et tête en avant vers ceux qui vont construire 2019. En tête, cette artiste libre, une fée qui vole au gré de ses envies et de ses rencontres, une chic fille simple et talentueuse, exigeante aussi : Nolwenn Leroy. Nous l’avons rencontrée, et c’est toujours avec le même enthousiasme que nous avons partagé avec elle un long moment d’échanges, à l’occasion de la sortie de son album dédié à cette Folk, qui lui va si bien finalement. Un entretien exclusif où la sincérité est de mise, et au cours duquel vous découvrirez Nolwenn sans fards comme vous ne l’avez jamais lue.
Nolwenn Leroy a choisi de placer son nouvel album sous le signe de la Folk à la française, en reprenant 13 standards d’artistes ayant donné leurs lettres de noblesse à ce répertoire intemporel qu’elle affectionne particulièrement, d’Yves Simon à Nicolas Peyrac, Jean-Michel Caradec ou Francis Cabrel. A l’occasion de cette parenthèse enchantée dans sa discographie, elle s’est confiée à nous avec sincérité, fraîcheur et enthousiasme, alors qu’elle s’apprête déjà à porter ces titres sur scène, au Trianon à Paris les 26 et 27 mars 2019 et en tournée. Rencontre avec une artiste élégante et populaire, comme on les aime à JSM…
– Comment est née cette idée d’album « Folk » ? Il était question d’un « Bretonne 2 », semble-t-il…
Je n’ai jamais voulu enregistrer un « Bretonne 2 », mais on m’avait effectivement posé la question de savoir s’il y aurait une suite un jour. Ca n’avait pas de sens pour moi, d’autant que les suites sont toujours ratées, à part celle du «Parrain II ». Et puis je trouve qu’elles ont toujours un côté un peu opportuniste. Or, ça n’a jamais été l’histoire de « Bretonne » : c’était tout, sauf un album opportuniste : il correspondait plutôt à une envie profonde en moi et allait à contre-courant de tout ce qu’on entendait à l’époque. Enregistrer une suite à « Bretonne » aurait justement enlevé de la beauté à ce projet. En revanche, j’ai davantage imaginé « Folk » comme son extension, dans la mesure où les débuts de la Folk en France étaient liés à la musique celtique. En ce sens, les deux albums sont dans une forme de continuité malgré tout.
– Quand a-t-il été enregistré ?
Je l’ai enregistré cet été au Studio Ferber à Paris : c’était la première fois, depuis mon premier album, que je ré-enregistrais en France. J’ai enregistré « Histoires naturelles » chez Laurent Voulzy, et depuis je n’ai plus jamais enregistré ici, en dehors de projets ponctuels ou de participations à des albums multi-artistes. L’idée était de repartir avec des musiciens français, dans un studio parisien où j’avais des souvenirs magnifiques d’enregistrements occasionnels : j’adore ce studio, le son qu’il y a, l’équipe qui y travaille… J’ai eu aussi la chance de travailler avec Clément Ducol, un musicien extraordinaire, sans lequel l’album n’aurait pas cette couleur. Je voulais absolument lui en confier la production, notamment pour son travail avec Camille que j’adore. On m’en parlait toujours comme d’un arrangeur de cordes sublimes, mais c’est beaucoup plus que cela en réalité : un musicien polyvalent impressionnant.
– « Folk » est sorti alors que ta tournée « Gemme » n’était pas terminée : pourquoi cette précipitation ?
Je commence déjà à écrire mon prochain album, car je pense qu'aujourd'hui, j’ai un peu payé sur l’album « Gemme » le fait d’avoir trop attendu avant de le sortir. J’étais un peu trop restée en tournée acoustique avec « O filles de l’eau ». J’étais sur scène et ne me rendais pas compte que le temps passait, alors qu’il s’était écoulé plus de trois ans. Et puis, j’avais vécu des choses sur le plan personnel (n.d.l.r : la naissance de son fils Marin). Pour « Folk », je n’ai pas voulu refaire cette erreur d’attendre trop longtemps : aujourd’hui, la réalité de ce métier est que pour des artistes de ma génération, on ne peut plus se permettre de s’absenter des années, comme le faisaient des Voulzy ou Cabrel. Chaque sortie d’album demande à re-mobiliser son public ; c’est un éternel recommencement, même quand on sa place. Aujourd'hui, on est obligé de présenter des choses plus régulièrement. C’est l'intérêt aussi de ces projets « parenthèses », qui me permettent d’être là pendant que j’écris mes chansons, car quand je prépare un album, je ne vais pas au marché aux chansons chez tous les éditeurs de Paris. Cela me prend du temps et je ne peux pas sortir des projets personnels tous les six mois. Les musiques urbaines ont peut-être habitué le public à des sorties très régulières, alors il faut suivre. Le public jeune est dans la consommation immédiate, sur Deezer, Spotify, avec les playlists… On retrouve l’esprit des années 60-70 finalement, où on sortait un 45 tours dès qu’on avait une bonne chanson, pour la balancer aux radios et essayer d’en faire un tube. Travailler sur un album de treize ou quatorze chansons, pour en extraire un ou deux singles, ça prend du temps pour un résultat frustrant, si bien qu’on peut légitimement s’interroger sur la façon de proposer et consommer la musique aujourd'hui. Bref, ce projet « Folk » m’a laissé du temps pour écrire mes propres chansons, tout en les alimentant d’influences diverses : il n’est pas arrivé par hasard, mais correspondait à une envie de m’immerger dans un univers qui aura forcément des influences sur mes prochaines chansons, de même qu’il y a eu un avant, et un après, « Bretonne ».
– Le mot « Folk » est rarement associé au répertoire français…
C’est vrai, parce qu’on a souvent tendance à dire qu’en France, la Folk ne marche pas. Je me rappelle de l’époque où James Blunt avait sorti « You’re beautiful », auquel personne ne croyait, et qui est devenu un énorme tube contre toute attente. C’est rare… Parfois un titre comme celui-ci arrive à passer entre les mailles du filet. Pourtant la scène française dans les années 70, avec des Alan Stivell ou Malicorne, qui ont incarné le début de la Folk en France, a ouvert la porte à des Francis Cabrel, Maxime Le Forestier, Yves Simon… Je pense à toutes ces pochettes d’albums sur lesquelles on voit des barbus avec des cheveux longs, jouant de la guitare, si représentatives de cette époque.
– Comment s’est faite la sélection des titres ?
L’idée était de rendre hommage à ce courant magnifique, parfois avec des chansons moins connues que d’autres. Certaines ont été d’énormes tubes et sont devenues des standards, mais d’autres ont été oubliées, bien qu’ayant aussi été des succès en leur temps. Certains artistes sont moins chantés aussi, comme Jean-Michel Caradec. On ne l’entend jamais, malgré une très forte présence à l’époque.
– Y a t il eu des titres abandonnés ?
Oui, j’avais chanté « Comme un arbre dans la ville » de Le Forestier, dont on n’était pas convaincu de la version et qu’on n’a pas retenu au final. J’avais aussi envie de reprendre Hugues Aufray, mais ça ne s’est pas fait. Je ne voulais pas faire un album trop long, et je ne voulais pas faire de remplissage.
– Pourquoi les textes ne figurent-ils pas dans le livret, alors que les paroles sont très importantes dans la Folk ?
Ce n’étaient pas mes textes, donc on a pris la décision, en accord avec les éditeurs, de ne l’illustrer que d’extraits ou de phrases fortes, joliment mises en page. Aujourd’hui, les gens connaissent les paroles de tels chefs d’oeuvres et peuvent sinon les trouver facilement sur Internet. Ce ne sont pas des chansons originales qu’il s’agirait de découvrir.
– As-tu été à l’origine du choix de ne pas trop les dénaturer par rapport à leurs arrangements d’origine ?
Je me bagarre un peu en ce moment, contre l’idée qui consiste à penser que faire des reprises est une solution de facilité. « Encore un album de reprises ! » : on lit cette critique partout, pour tout et rien ! C’est vrai que ces dernières années, beaucoup d’albums de reprises sont sortis. Je considère justement que la facilité a souvent été de prendre le contre-pied de la chanson d’origine, tant en studio que dans des émissions de radio-crochet. Par principe, on fait d’un slow, une chanson up tempo, et inversement, histoire de « casser la gueule » à une bonne chanson et être considérée comme une bonne reprise. Je ne partage pas ce point de vue : pour moi, la facilité est justement d’adopter ce parti-pris qui rend les chansons méconnaissables. Ce qu’il y a de plus difficile quand on reprend la chanson de quelqu’un d’autre, c’est au contraire de servir l’oeuvre en apportant certes sa sensibilité, sa propre voix, et certains détails, mais en restant fidèle à l’original, en se recentrant avant tout sur l’essence même de cette oeuvre. En toute humilité, c’est sincèrement ce que j’ai essayé de faire. Je ne vois pas où est la facilité : au contraire, il n’y a rien de plus risqué que de se frotter à de tels chefs d’oeuvres. Et puis je considère que lorsqu’on ne chante plus une chanson, elle finit par mourir. C’est aussi un moyen de les faire découvrir à une nouvelle génération, d’être un passeur…
– Pour certaines, tu n’étais pas née à leur création dans les 70’s : ce sont des chansons qu’on chantait chez toi ?
C’est vrai ; je suis arrivée en 1982. On en chantait chez moi effectivement, comme celle de Caradec, mais pour l’essentiel je les ai découvertes après. Comme beaucoup, je me passionne pour ces années-là : ça n’a jamais été aussi tendance dans le domaine de la création, que ce soit dans la mode ou la musique, avec le vinyle qui revient en force… On fait souvent du neuf avec du vieux, dans un esprit vintage. J’ai écouté beaucoup de chansons de ces années là, par intérêt personnel avant tout.
– Tu n’as repris que des chansons d’hommes alors que Marie Laforêt, Françoise Hardy, Anne Sylvestre ou Isabelle Mayereau ont été des folkeuses à leur manière…
J’ai pensé à reprendre certaines d’entre elles. J’avais dressé ma propre liste, que j’ai recoupée avec des listes d’autres personnes ayant bien connu cette époque, mais encore une fois, je ne voulais pas un album trop long, si bien qu’au final on s’est davantage concentré sur des chansons d’hommes. Ce n’était pas prémédité, même si l’idée qu’une femme chante toutes ces chansons me plait, alors que ce n’était pas le concept d’origine. En tout cas, cela pourrait faire l’objet d’un prochain projet, de faire un album autour des folkeuses à la française…
– As-tu été contactée par les créateurs de ces chansons depuis la sortie de l’album ? Leur avais-tu demandé leur aval ?
S’agissant de reprises, je n’avais pas besoin de leur autorisation, mais pour la plupart, bien entendu, je leur ai adressé un message, pour les informer. J’ai envoyé par exemple « So Far Away From LA » à Nicolas Peyrac, en espérant que la version lui plairait, et en lui expliquant que je ne pouvais pas me passer de cette chanson magnifique sur ce projet. Rien ne pouvait me faire plus chaud au coeur que de lire sa réponse. Quand on rend un hommage, comme je l’ai fait, on se met une pression différente, de celle qu’on connait quand on livre ses propres chansons au public. Là, c’est différent, car les gens ont déjà une histoire avec ces chansons. Nicolas a beaucoup aimé ma version, et s’est dit très heureux de voir que la chanson connaisse une nouvelle naissance sur les radios, les télés… Yves Duteil m’a aussi envoyé un message adorable au sujet de « Virage », en me disant qu’il était aussi très ému, car cette première chanson a été très importante pour lui et la suite de sa carrière. C’est une chanson qui n’a rien perdu de sa modernité : elle est très cinématographique, les mots sonnent et le travail d’écriture est très précis. J’adore son ambiance un peu nocturne… C’est une chanson magnifique. Les gens de ma génération la connaissent rarement et citeraient plus volontiers « Prendre un enfant par la main ». C’était mon intention de rendre hommage à ces artistes, à travers des chansons de leur répertoire parfois un peu moins connues des plus jeunes.
– C’est vrai que de Duteil ou Peyrac, tu n’as pas cherché la facilité en reprenant des artistes populaires qui ne sont pas ceux dont la nouvelle génération se réclame, parfois pour des questions d’image …
C’est vrai, mais tu sais bien je n’ai jamais eu de souci d’image. Dans le même esprit, j’ai repris Renaud Detressan, qui m’a envoyé un gentil message, et dont la « On est comme on est » est un peu oubliée. Les gens ne savent plus forcément qui en est l’interprète.
– Francis Cabrel s’est-il manifesté au sujet de ta reprise de « Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai » ?
Je ne l’ai pas encore eu, car j’ai envoyé les albums un peu sur le tard, mais les gens de ma maison de disques m’ont dit qu’il était très content. Cette chanson a une résonance particulière pour moi : j’ai perdu une amie très importante dans ma vie, cette année. J’ai chanté cette chanson pour elle quand elle est partie, c’est pourquoi elle sort un peu du cadre de l’album, dans le sens où elle n’est pas parue dans les années 70. Mais après tout, la totalité du répertoire de Francis Cabrel est Folk. Cette chanson n’aurait pas dépareillé sur son premier album.
– Pourquoi le choix de «Diabolo Menthe » d’Yves Simon ? Par référence au film de Diane Kurys ?
Pas seulement, la chanson est pour moi une des plus belles de cette période-là : elle parle d’adolescence avec sensibilité. C’est une madeleine pour beaucoup de gens.
– Tu chantes « Sacré Géranium » sur le seul duo avec Dick Annegarn : quel souvenir gardes-tu de la rencontre ?
C’était super émouvant. On a eu l’occasion de rechanter ensemble sur RTL dernièrement, avec aussi Nicolas Peyrac. Au départ, il était simplement venu pour jouer de la guitare sur la chanson, parce que la partition n’était pas facile, et c’est quand même un instrumentiste incroyable. On était super content qu’il accepte de passer en studio la jouer lui-même. Au départ, on n’osait pas trop lui demander de chanter, et puis finalement, il a chanté avec moi et m’a un peu coachée, en me donnant des images pour me diriger dans l’interprétation.
– Tu as aussi enregistré « à l’ancienne »…
Oui, c’est un album de parti-pris, dans le choix des chansons, le lieu d’enregistrement et la façon d’enregistrer : en Live, comme dans ces années-là. Pour chaque titre, on a fait quatre ou cinq prises avec tous les musiciens, tous ensemble dans une même pièce. Les musiciens me disaient qu’ils ne se rappelaient plus la dernière fois où ils avaient un chanteur avec eux pendant l’enregistrement. C’est très technique, mais important de le préciser, parce que je pense que le public imagine que tout le monde enregistre encore dans ces conditions, comme si on était sur scène. Cela apporte une chaleur et une vérité uniques à la voix. L’intérêt aussi, c’est qu’il n’y a pas de place pour la minauderie. Je n’ai pas pu m’écouter chanter pendant des heures, et demander à refaire des passages, pour au final sélectionner des bribes d’enregistrements mis bout à bout. Là, on a simplement retenu les meilleures prises pour nous tous. J’ai adoré enregistrer dans ces conditions et j’ai beaucoup appris à travers ce projet. C’est vrai qu’après mes années de conservatoire, j’ai pu avoir ce défaut d’être trop perfectionniste, à vouloir faire et refaire : je n’arrivais pas à m’autoriser ces imperfections que j’aimais pourtant sur mes albums de chevet, ces moments où le souffle est un peu brisé, avec ces petits craquements… C’est ce qui donne du charme et de l’émotion. Dick me disait que la Folk devait sentir le géranium et non la rose : c’est tellement vrai !
– As-tu le projet de porter « Folk » sur scène ? Auras-tu des invités ?
Oui, je repars en tournée à partir du mois de mars. Le parti-pris de l’album sera l’occasion de davantage de proximité avec le public : j’ai envie qu’on travaille fort en ce sens avec les musiciens. Je sors d’une tournée plus Pop, donc ce sera un nouveau challenge pour moi… J’espère bien avoir des invités surprises sur la tournée, et que certains artistes que j’ai repris me rejoindront sur des dates.
– As-tu été réconfortée par l’accueil de « Folk » à sa sortie, en comparaison de celui du précédent « Gemme », moins consensuel ?
Bien sûr, mais « Gemme » a quand même bien marché, puisqu'il s’en est vendu plus de 100.000 exemplaires. La tournée également. Je regrette simplement qu’il n’y ait pas eu plusieurs singles extraits, alors qu’il comptait de bons titres : ça reste une frustration pour moi, pour ne rien te cacher. Je reconnais aussi qu’il est sorti tard, et en même temps que plein d’autres albums importants de mon label Mercury : j’en ai fait les frais ; il y a eu un mauvais alignement de planètes à ce moment-là pour moi.
– N’est-ce pas frustrant d’être confortée dans le rôle d’interprète avant tout, comme précédemment avec « Bretonne », alors que tu es aussi auteure-compositrice ou acceptes-tu cette situation avec résignation ?
A une époque, Nagui me reprochait de ne pas assez dire dans les interviews que j’écrivais mes propres chansons. selon lui, il ne fallait pas s’étonner que les gens le ne sachent pas, si je ne le mettais pas moi-même en avant. C’est vrai, on ne me posait jamais de questions à ce sujet. Peut-être est-ce parce que j’ai été connue pour ma voix, et que cette identité a fini par prendre toute la place…. En France, soit tu es auteur-compositeur, soit tu es interprète, vocaliste en quelque sorte… Ca ne me pose pas de problème en soi. Avoir été la muse de Laurent Voulzy à un moment n’a pas aidé non plus, même si j’avais écrit la moitié des autres titres de l’album « Histoires naturelles ». Il faut croire que je ne suis pas la reine de la com’… (rires).
– Tu as été découverte dans « Star Academy » : as tu été sollicitée pour être coach dans The Voice comme Jenifer ?
Oui, au tout début, mais j’étais en pleine tournée de « Bretonne ». L’occasion s’est ensuite représentée, mais ce n’était jamais le bon moment. Mais honnêtement, je ne suis pas certaine que je me serais sentie totalement à l’aise comme coach. j’ai mis des années à m’émanciper de cette case d’artiste issue d’un radio-crochet. Il faut dire que nous étions les premiers et avons essuyé les plâtres, en comparaison avec d’autres artistes pour lesquels cela n’avait rien de péjoratif. Je me voyais mal revenir dans une émission télé de ce format, sous une autre casquette. Et puis je ne me serais pas sentie légitime : j’ai encore besoin d’écrire mes chansons, de construire mon répertoire, de faire des concerts… Je n’aurais pas été à ma place pour juger les autres, d’autant que je prends toujours les choses trop à coeur : pour avoir été dans la situation de candidate, cela aurait été trop fort émotionnellement pour moi…
– Serais-tu candidate à l’émission aujourd'hui ?
Je ne sais pas ; au début peut-être parce que c’était nouveau, mais le programme dure depuis tellement d’années…
– Ton fils Marin a presque deux ans maintenant : est-ce-que sa naissance a changé ton approche du métier ?
Pas vraiment. Elle a changé surtout ma vision du monde globalement, mes angoisses au sujet de la planète, de l’écologie, du futur… Bien sûr, ce n’est pas évident de tout concilier aujourd'hui, en termes d’intendance et d’énergie : je ne suis pas entourée d’une armée de nounous. Je m’occupe moi-même de mon fils, avec mon homme et ma maman. Il est avec moi en tournée, prend le tour bus, et on dort dans le même lit. On ne s’est jamais quittés. C’est vraiment « roots » comme vie… J’essaie de faire du mieux que je peux, comme toutes les mamans qui bossent, avec des horaires compliqués… C’est d’autant plus difficile quand on est une femme qui allaite, etc. Cela demande beaucoup de sacrifices. L’essentiel à mes yeux est d’être présente, car dans ce métier égocentrique dans lequel on est très entouré, on a vu trop d’enfants d’artistes, acteurs ou chanteurs, mal tourner… Quand leurs parents se sont rappelés qu’ils avaient des enfants, c’était déjà trop tard. C’est un peu triste…
– On a célébré le premier anniversaire de la disparition de Johnny : quel souvenir en gardes-tu ?
J’ai souvent chanté pour lui ou devant lui pour des émissions spéciales, comme « Diego, libre dans sa tête », mais une seule fois en duo avec lui, « Derrière l’amour ». Johnny était le Rock et c’était un roc. Même malade, sur les Vieilles Canailles, il avait une énergie vitale incroyable. Il y a des gens qui ont cela en eux depuis leur naissance. La scène le transcendait véritablement. Il avait un regard qui transperçait, et toujours plein de bienveillance envers la jeune génération. On voyait que c’était quelqu’un d’intelligent à qui on ne la faisait pas. C’est triste que son nom soit associé à une actualité qui véhicule des tas de douleurs pour beaucoup de monde, alors que c’était un personnage hors du commun.
– Et de Charles Aznavour ?
J’ai très souvent chanté avec lui : il a connu des débuts difficiles, et m’a prodigué beaucoup de conseils. Il a été parmi les premiers à m’inviter pour ses 80 ans. Il ne souciait pas de savoir d’où l’on venait. Il me comprenait, dans mes doutes et mes questionnements. Lui aussi avait une force vitale en lui : il a tellement encaissé que son plaisir absolu était de serrer la main à ceux qui lui avaient craché dessus au début. On ressentait dans tout son être son besoin de revanche sur la vie, par rapport à son parcours personnel. Il avait connu le manque… Comme quoi, les traumatismes de l’enfance restent ancrés toute la vie. Ca lui donnait une force incroyable. Jusqu’au bout, il ne voulait passer à côté d’aucune opportunité et je peux le comprendre. Cette volonté transpirait jusque dans sa façon de se tenir sur scène : c’est aussi sans doute ce qui l’a tenu aussi longtemps en vie. Il avait toujours une longueur d’avance, des projets en tête, le besoin d’être dans l’action…
– Comment vois-tu ton prochain album ?
J’en suis au tout début de son écriture… Je m’interroge sur sa couleur générale, car l’enjeu est énorme pour moi. Je ne suis pas la seule : aujourd'hui, plus personne ne peut se reposer sur ses succès du passé. C’est certain en tout cas que ce passage par la Folk m’aura influencée. Habituellement, j’écris beaucoup à base de métaphores et d’images : j’aime que les gens s’approprient les chansons comme je les ai pensées, mais ils peuvent y voir un autre sens parfois. Je voudrais évoluer vers plus de simplicité dans l’écriture, pour que l’émotion et la voix soient au cœur des chansons… Ce sera mon prochain défi !
Propos recueillis par Eric Chemouny
1 Commentaire
Merci beaucoup à vous et à Nolwenn !
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Nolwenn y aura toujours la place de choix qu’elle mérite !