Nolwenn Leroy enchaîne les projets à un rythme soutenu. Un an seulement après Gemme, elle s’attache avec Folk à revisiter ses petites madeleines de Proust avec délicatesse : Francis Cabrel, Jacques Higelin, Nicolas Peyrac, Yves Simon… C’est déjà son deuxième album de reprises. La déferlante Bretonne avait dépassé en 2010 le million d’exemplaires vendus.
RFI Musique : Pourquoi sortir déjà un album alors que votre précédente tournée n'était pas terminée ?
Nolwenn Leroy : Il faut rester présent aujourd'hui. On ne peut plus se permettre de partir plusieurs années pour se ressourcer ou trouver l'inspiration. J'écris mes chansons et ça me prend du temps. Donc cela me permet, outre le fait d'être présente, de me nourrir de toutes ces chansons et d'aller puiser de la matière pour mes propres projets. Ce n'est pas n'importe quel album de reprises qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Il y a toujours un sens, une cohérence par rapport à mes propres albums.
Et quel est ce sens ?
Comme je ne me voyais pas faire une suite à Bretonne, ce projet en est plutôt une extension. La musique celtique, ce sont les débuts du folk en France. Alan Stivell, c'est le premier chanteur folk chez nous. Par cet aspect-là, c'était intéressant et on reste aussi dans quelque chose qui me ressemble. Quand on écoute mon album Le Cheshire Cat et moi et ce disque-ci, on n'est pas dans un grand écart. Ce sont des chansons qui réconfortent. C'est un peu ma définition de la folk : un état d'esprit posé, doux et mélancolique.
Comme vous ?
La mélancolie ou la nostalgique, c'est effectivement quelque chose qui me caractérise. La douce tristesse et le fait de replonger dans certains moments de ma vie en musique me font du bien. Dans la folk, il y a aussi une humilité et une simplicité dans les arrangements, la production. C'est en cela que j'ai beaucoup appris dans ma façon de chanter, à savoir en me concentrant sur l'essence même de ces mélodies et de ces textes. Ce disque est sincère. Je ne voulais ni de fioritures ni de minauderies.
Bretonne, Folk, vous aimez les titres génériques...
Bretonne, c'est mon identité, mes racines. Littéralement, Folk veut dire populaire. C'est un mot qui est important pour moi par rapport à mon parcours. Ce n'est pas péjoratif lorsque j'emploie ce mot. Tout artiste souhaite être aimé et écouté par le plus grand nombre.
Pourquoi avez-vous fait appel au très prisé Clément Ducol (Camille, Delerm, Christophe, Vianney) pour la réalisation ?
C'est la personne qui me fallait pour ce projet et à ce moment-là de ma carrière. Clément est un musicien fascinant. J'adore tout son travail : les arrangements de cordes qu'il a faits pour d'autres artistes, ses productions, le travail sur scène avec Camille. À chaque fois, on retrouve chez lui une élégance, des trouvailles modernes. Il voit toujours plus loin. Il a réussi ici à donner ce son et cette nouvelle lecture à ces chansons d'une manière assez incroyable. On a souvent tendance à dire qu'il y a une forme de facilité à faire des albums de reprises. Or, c'est un exercice ardu. Les versions qui prennent le contre-pied de l'original sont régulièrement bien accueillies. Mais c'est devenu presque un systématisme. Je pense que la meilleure reprise, c'est celle qui va servir l’œuvre originale. Tout se joue dans les subtilités qu'on lui apporte, le son, l'interprétation. Clément a sublimé ces chansons sans les dénaturer.
N'avez-vous pas peur qu'on vous enferme dans la case des reprises ?
C'est vrai que certains considèrent les reprises comme une option facile. Ce jugement est assez ridicule. Les médias utilisent souvent ce raccourci. Tu peux à la fois écrire tes propres chansons et être parfois un passeur. Je ne vois ce qu'il y a de dégradant. Encore une fois, je me nourris de tout ça pour ma créativité. Dans l'art en général, on fait du neuf avec des choses anciennes. J'estime avoir fait preuve d'audace, de proposer un parti pris dans l'enregistrement.
Qu'est-ce qui réunit toutes ces chansons ? Leur intemporalité ?
Exactement. C'est la grande force des chansons folk : ne pas avoir d'âge. Elles ont juste l'âge de nos émotions et de nos ressentis intimes à un moment donné de nos vies. Elles sont faussement simples et continuent de nous accompagner.
Une volonté d'équilibre entre titres installés dans la mémoire collective et d'autres oubliés ?
L'idée, c'était aussi de replonger dans le répertoire de certains artistes très connus, mais avec des faces B. Yves Duteil ou Nino Ferrer, on entend souvent les deux ou trois mêmes chansons. Malicorne ou Renaud Detressan, ce sont de vraies musiques folk qui ont marché à leur époque. Eux et Jean-Michel Caradec sont tous les trois Bretons d'ailleurs. Il y a également les hortensias de la pochette. Tout me ramène à la Bretagne.
Vous chantez aussi Sacré géranium avec Dick Annegarn...
À la base, il avait accepté de jouer cette partie de guitare extrêmement difficile en studio. Et puis finalement, il a chanté et m'a coachée sur cette chanson pour son interprétation. Il m'a donné des images et des mots clés qui ont permis d'avoir leur résonance sur tout le disque. Il m'a fait comprendre qu'il fallait revenir à l'essentiel, ne pas s'écouter chanter et livrer une émotion brute et pure. Ses conseils ainsi que ceux de Clément ont été précieux.
Vous avez connu un immense succès avec Bretonne, vous avez un capital sympathie. Ne vous manque-t-il pas une grande chanson originale ?
J'ai eu Cassée qui a été, après la Star Academy, numéro un des singles pendant des semaines. Nolwenn Ohwo !, Mon ange ont bien marché aussi. Cela peut être terrible, en même temps, d'avoir une chanson matraquée à la radio et qui écrase tout le reste. Il vaut mieux être dans l'expectative de son arrivée. Je suis la chanteuse de plusieurs chansons. N'est-ce pas finalement l'idéal ?
Comment expliquez-vous que le festival des Vieilles Charrues en Bretagne ne vous ait jamais programmée ?
Je ne sais pas. La programmation est extrêmement éclectique et c'est ce qui fait le succès de ce festival. Il y a de l'affect parce que je m'y suis rendu toute petite, j'ai des souvenirs là-bas. Chaque fois que je rentrais en Bretagne, on me demandait pourquoi je zappais les Vieilles Charrues. Je suis juste persona non grata là-bas sans que je connaisse le pourquoi du comment. Cela doit être une histoire personnelle. Quand Elton John a annulé il y a quelques années, je suis arrivée en tête d'un sondage pour le choix de son remplaçant. C'est là que j'ai compris qu'il y avait un problème. Après, je serai encore chanteuse lorsque les personnes en charge ne seront plus en fonction. Je ne me fais pas trop de souci.
Nolwenn Leroy Folk (Mercury) 2018